Et maintenant? Je dirais plutôt : «et alors?»
Le PQ se donnera un nouveau chef, et ce sera encore une fois le «Jour de la marmotte». Tôt ou tard, ce nouveau chef aura la folle idée de gouverner – question d’essayer d’améliorer le sort de ses concitoyens en attendant le Grand Soir -, les orthodoxes crieront au «johnsonisme», à l’«affirmationnisme» ou à une autre vilenie du genre, et ce sera le début de la fin pour ce chef flambant neuf.
On a largement fait état de l’une des maladies qui affligent le PQ depuis de longues années, la référendite. On a assez peu parlé de cette autre : la pédagogite.
La pédagogite, c’est cette maladie qui consiste à croire que si les gens ne votent pas pour nous, c’est parce qu’on ne leur a pas expliqué notre programme de la bonne façon. Pourtant, ce ne sont pas les experts en communication – ni d’ailleurs les pédagogues! – qui manquent dans ce parti. À la lumière des résultats du 26 mars, je crois qu’on doit tirer les conclusions qui s’imposent : la plateforme du PQ était claire et bien comprise, et les gens l’ont rejetée. C’est aussi simple que ça…
Pourquoi? Parce que, pour faire changement, le PQ a conçu son programme en vase clos et a trouvé des solutions formidables à des problèmes que les Québécois ne ressentent pas le besoin de régler de toute urgence.
Joli moyen de se tirer dans les deux pieds en même temps!
D’abord parce que nous nous entêtons ainsi à donner raison à ceux qui disent que le PQ a le don de «savoir ce qui est bon pour le monde mieux que le monde lui-même».
Mais surtout, parce que nous avons oublié de proposer des solutions différentes de celles de l’ADQ, qui a fini par gagner par défaut. (Quelqu’un ici pense-t-il vraiment que c’est le PLQ qui a remporté les élections du 26 mars?)
Bon nombre d’observateurs attribuent le succès électoral de l’ADQ à la colère et à ses rejetons : le ressentiment des Québécois hors-514 face aux accommodements déraisonnables et l’écoeurement face aux «vieux partis».
Il y a du vrai là-dedans, mais j’y vois surtout une étincelle. Le baril de poudre était ailleurs, je crois.
À vrai dire, je vois un grand thème ressortir pour expliquer le succès de l’ADQ : l’inquiétude.
L’inquiétude des jeunes familles de Blainville et de Charlesbourg quant à leur avenir et à celui de leurs enfants.
L’inquiétude de jeunes travailleurs non syndiqués dans le secteur des services et la fameuse «économie du savoir», bien formés mais mal payés, et dont l’emploi est facilement exportable.
L’inquiétude de jeunes issus de la classe moyenne qui se sentent glisser lentement vers le bas de l’échelle, même s’ils ont fait tout ce qu’il fallait pour réussir : respecter les règles, aller à l’école, etc.
Leur hypothèque les étouffe. Et quand on est obligé de s’exiler à 40 km de son lieu de travail pour trouver une maison abordable, une seconde voiture est-elle vraiment un luxe ou un caprice?
S’étonnera-t-on qu’ils embrassent des solutions conservatrices? S’étonnera-t-on qu’ils essaient tant bien que mal de conserver leurs modestes acquis?
S’étonnera-t-on de leur cynisme, quand on leur parle d’égalité des chances, alors que leur niveau de vie va baisser par rapport à la génération précédente?
Chose certaine, le PQ ne leur a pas parlé, ou du moins, pas dans un langage clair. On ne leur a pas montré qu’on écoutait ce qu’ils avaient à dire, qu’on essayait de comprendre ce qu’ils vivaient. On était bien trop pressés, en bons élèves brillants que nous sommes, de leur donner notre réponse. (La bonne, cela va de soi…)
Alors, quoi? Un nouveau chef peut-il remettre le PQ sur le chemin de la pertinence?
Un nouveau chef aura-t-il la liberté de ne pas adopter une stratégie référendaire suicidaire?
Un nouveau chef aura-t-il les coudées franches pour remettre aux Québécois les clefs de leur pays, en leur disant : «Nous sommes un parti souverainiste. Nous allons vous parler de notre option et nous allons vous dire pourquoi nous croyons qu’elle est meilleure que les autres. Mais c’est à vous de nous dire quand vous voudrez qu’on vous pose LA question. Notre engagement, c’est d’abord de vous la poser quand vous nous le demanderez. Et c’est aussi de faire en sorte que tout soit prêt quand vous vous direz OUI.»
Un nouveau chef pourra-t-il proposer aux Québécois une social-démocratie pour 2007, plutôt que celle de 1977? Des solutions résolument progressistes, mais dans lesquelles le secteur privé peut faire partie de la réponse, pas seulement du problème?
Sincèrement, j’en doute.
Les orthodoxes tiennent à amener ce parti au bout de la logique de son programme - et même au-delà? Très bien : qu’ils le gardent.
Les souverainistes pragmatiques de centre gauche auraient alors besoin d’une nouvelle maison politique. À nous d’en construire une, dans ce cas, avec un nouveau programme, une nouvelle façon de faire les choses… et un nouveau nom sur la porte.
Nous proposerions aux Québécois des solutions qui seraient sans doute souvent différentes de celles qu’avance l’ADQ. Mais au moins, nous répondrions aux mêmes questions. Celles qui préoccupent vraiment nos concitoyens.
Et maintenant?