20 mai 2007

Monsieur le premier ministre Mario Dumont?

Ça pourrait arriver plus tôt qu'on ne le pense, si, comme beaucoup le prédisent, l'ADQ et le PQ décident de défaire le gouvernement sur le budget que doit présenter bientôt la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget.

Dans son texte d'aujourd'hui, Michel C. Auger explique comment fonctionne un gouvernement minoritaire. Même si Jean Charest présente la démission de son gouvernement au nouveau lieutenant-gouverneur du Québec, Pierre Duchesne, celui-ci n'est pas obligé de dissoudre l'Assemblée nationale et de demander de ce fait la tenue d'élections législatives. Il peut d'abord demander au chef du deuxième parti le plus représenté à l'Assemblée nationale de former un gouvernement, qui resterait en place tant qu'il ne serait pas défait sur une question de confiance.

Cela peut sembler bizarre, tant nous nous sommes habitués au fil du temps à voir le gouvernement - donc le pouvoir exécutif -, notamment son chef, le premier ministre, comme la manifestation suprême de la démocratie. Pourtant, quand nous allons voter, nous votons pour des candidats à la fonction de député, donc de membre de la législature.

La décision de donner une chance à Mario Dumont de former un gouvernement se fonderait donc sur le respect de la volonté du peuple, exprimée dans le scrutin du 26 mars dernier. Quelle valeur les élections législatives auraient-elles donc, si l'on pouvait en déclencher tous les trois mois? L'opinion publique a-t-elle eu le temps de changer en profondeur en si peu de temps? (Dans certains cas extrêmes, j'imagine que c'est possible: guerre, corruption généralisée, etc. Ce n'est évidemment pas le cas ici.)

J'irai même plus loin encore. Si jamais Mario Dumont formait un gouvernement qui perdrait la confiance de l'Assemblée peu de temps après son accession au pouvoir, je crois que le lieutenant-gouverneur devrait demander au chef du troisième parti - qui compte tout de même un nombre respectable de députés - de former un gouvernement à son tour, plutôt que de déclencher des élections rapides.

Cela, Mario Dumont doit s'en douter. Permettons-nous - c'est dimanche! - un peu de politique-fiction. Le chef de l'ADQ voudrait peut-être tenter de gouverner avec le PQ aussi longtemps que possible, sachant que, même s'il voulait saborder son gouvernement dans l'espoir de remporter une majorité dans de nouvelles élections générales - un peu comme ce que Stephen Harper doit rêver de faire -, le lieutenant-gouverneur pourrait refuser de dissoudre l'Assemblée nationale et d'appeler les Québécois aux urnes.

(Incidemment, je salue ici la nomination de Pierre Duchesne au poste de lieutenant-gouverneur. Dans une situation de gouvernement minoritaire, ce poste est loin d'être uniquement décoratif. M. Duchesne est sans doute l'un des Québécois les plus versés dans le fonctionnement juridique et technique de notre appareil démocratique: si quelqu'un peut naviguer sans encombre entre les écueils de notre parlementarisme, c'est bien lui.)

Cela voudrait-il dire que Mario Dumont chercherait à inclure des députés du PQ dans son Conseil des ministres? La question n'est pas si folle: plusieurs membres du caucus péquiste ont l'expérience du gouvernement et donneraient de la stabilité et de la profondeur au gouvernement Dumont, qui en aurait cruellement besoin.

Accepteraient-ils? Là, c'est plus épineux. Il y a évidemment une grosse question de perception, d'abord à l'intérieur du PQ: la solidarité ministérielle aurait théoriquement préséance sur la ligne de parti, mais dans un parti à programme comme le PQ, on ne joue pas impunément avec ce qui est écrit dans le gros bottin... Question de perception du côté de l'opinion publique aussi: il devient pas mal plus compliqué d'offrir une autre option de gouvernement à la population quand tu fais toi-même partie du gouvernement que tu espères remplacer.

Il serait donc plus probable que le PQ décide de ne faire tomber le gouvernement Dumont qu'au moment qu'il jugerait opportun: à très court terme, s'il veut tenter de former le gouvernement sans aller en élections (mais alors, son sort serait entre les mains des deux autres partis, qui ne déferaient pas le gouvernement péquiste au meilleur moment pour ce dernier); ou alors à moyen terme, quand il se jugerait assez fort pour obtenir un mandat du peuple dans des élections générales.

C'est ce dernier scénario qui me semble le plus plausible. Si Pauline Marois devient bientôt chef du Parti québécois, elle devra d'abord se positionner aux yeux de la population comme une première ministre potentielle. Tout le monde reconnaît son immense compétence, mais il faut que les Québécois soient tellement habitués de la voir dans un poste de commande que la question «Le Québec est-il prêt pour une femme première ministre?» deviendra totalement caduque lors de la campagne électorale. Il lui faudra aussi asseoir son autorité sur le parti, comme elle a déjà commencé à le faire de belle façon, avant même que la course ne commence. Et il lui faudra bien évidemment renflouer la caisse du parti. Tout cela prendra du temps, et des élections anticipées n'aideraient pas sa cause.

Il se pourrait donc que le gouvernement non élu de Mario Dumont dure plus longtemps que le second gouvernement élu de Jean Charest... Bienvenue dans notre premier vrai gouvernement minoritaire!

(Et habituons-nous à cet état de fait: à moins que le PQ ne soit trop malade pour reprendre, même avec Pauline Marois, le chemin de la pertinence, et à moins que le PLQ ne se confine de lui-même à la marginalité - avec un statut de «Parti Égalité plus» -, l'équilibre actuel des trois principaux partis a des chances de durer. D'autant plus que l'expérience fédérale démontre que les Québécois ne détestent pas tenir leurs dirigeants sous haute surveillance dans un gouvernement minoritaire...)

1 Comments:

At 8:59 a.m., Anonymous Anonyme said...

Enfin! Renouer avec l'intelligence fait vraiment beaucoup de bien! J'abonde dans le sens de vos "assidus lecteurs"... Il vous faut écrire en format blog et penser aussi peut-être à un essai ou un roman avec plus de longueur!!!! Il y a un potentiel et une culture à ne pas gaspiller, qui se fait par ailleurs de plus en plus rare, même chez nos jeunes auteurs québécois! Je serai fort curieuse du résultat... ;)

 

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