24 mai 2007

Dégeler les frais de scolarité à l'université, voilà une proposition qui surprend dans la bouche d'une aspirante à la direction du PQ... Proposition qui en choquera certains, qui s'arrêteront à la manchette et qui n'envisageront à sa lecture que les scénarios-catastrophe d'universités désormais réservées aux happy few.

Or, il me semble qu'il y a là un défi intéressant à relever: comment hausser le financement des universités québécoises au-delà du niveau actuel, gênant pour une société qui prétend «faire de l'éducation une priorité», tout en maintenant - voire en améliorant encore - l'accessibilité des études universitaires?

Certains croient que le mouvement étudiant est gelé sur ses positions: le gel, le gel, le gel, et rien d'autre. Je ne sais pas ce qu'il en pense aujourd'hui, mais j'ai souvenir d'associations étudiantes qui cherchaient en toute bonne foi une solution à cet épineux problème.

Une recherche rapide sur Google m'a permis de déterrer deux intéressants documents préparés par la CADEUL (la grande association parapluie des étudiants de l'Université Laval): un mémoire présenté par les étudiants des cycles supérieurs à la Commission parlementaire sur l'éducation en 2004, et une recension des solutions mises en place dans quelques autres pays.

J'y ai retrouvé une avenue que nous avions proposée, il y a une quinzaine d'années, au Comité national des jeunes du PQ: l'impôt post-universitaire. Dans l'étude de la CADEUL, on explique comment l'Australie a implanté ce système durant les années 1990.

On ne s'étendra pas ici sur les modalités d'application, mais le principe est assez simple: à la fin de leurs études, les étudiants participent pendant quelques années au financement de leurs études proportionnellement à l'avantage économique qu'ils en retirent et, surtout, au moment où ils ont les moyens de le faire! Dans ce cas-là, on peut même envisager une contribution bien supérieure à celle qu'on leur demande actuellement, ce qui ne pourrait qu'aider nos universités...

Au moment d'entamer leurs études universitaires, le futur médecin et le futur anthropologue sont probablement aussi désargentés l'un que l'autre, mais le premier améliorera sans doute davantage sa situation financière à l'issue de ses études que le second. Il me semble donc normal que ses études finissent par lui coûter plus cher, parce qu'elles lui auront rapporté plus en fin de compte.

Mais plutôt que d'obliger les étudiants à s'enterrer sous les dettes, pourquoi ne pas simplement leur «facturer» leur contribution au moment où ils peuvent la payer et au moment où l'on sait vraiment quel avantage financier ils en ont tiré?

J'ai lu une critique de ce système à laquelle je n'ai pas de réponse: qu'en est-il des personnes qui sont sur le marché du travail et qui désirent étudier à temps partiel pour améliorer leur situation? Ça, c'est une très bonne question...

J'en reparlerai à un moment donné, mais il y a un sujet qui me tient énormément à coeur: la formation tout au long de la vie - et son corollaire, la conciliation travail-famille-formation. Dans la société où nous vivons, avec des emplois qui peuvent disparaître du jour au lendemain et les virages professionnels auxquels nous sommes parfois contraints - en plus de ceux que l'on fait par choix! -, on ne peut pas penser qu'à 16, 18, 20, 22, 25 ans, la formation, c'est terminé.

Heureusement, et on ne le dit pas assez, nous avons la chance au Québec d'avoir un système d'éducation qui offre un grand nombre de passerelles à l'âge adulte: formations de soir, à temps partiel, sur les lieux de travail, par correspondance, par Internet, etc. Il serait dommage - non, inacceptable - que des personnes qui désirent se requalifier pour un meilleur emploi ou simplement devenir des citoyens encore mieux outillés pour la vie n'aient plus accès à ces passerelles parce que leur coût serait devenu prohibitif. C'est encore plus vrai pour les jeunes familles qui cherchent un moyen d'échapper à la précarité de leur sort: cette formation continue ne doit pas être un boulet de plus pour eux, mais au contraire une façon de devenir un peu plus libres de leurs choix...

Alors, vous avez des idées? J'aimerais bien vous lire à ce sujet...

20 mai 2007

Monsieur le premier ministre Mario Dumont?

Ça pourrait arriver plus tôt qu'on ne le pense, si, comme beaucoup le prédisent, l'ADQ et le PQ décident de défaire le gouvernement sur le budget que doit présenter bientôt la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget.

Dans son texte d'aujourd'hui, Michel C. Auger explique comment fonctionne un gouvernement minoritaire. Même si Jean Charest présente la démission de son gouvernement au nouveau lieutenant-gouverneur du Québec, Pierre Duchesne, celui-ci n'est pas obligé de dissoudre l'Assemblée nationale et de demander de ce fait la tenue d'élections législatives. Il peut d'abord demander au chef du deuxième parti le plus représenté à l'Assemblée nationale de former un gouvernement, qui resterait en place tant qu'il ne serait pas défait sur une question de confiance.

Cela peut sembler bizarre, tant nous nous sommes habitués au fil du temps à voir le gouvernement - donc le pouvoir exécutif -, notamment son chef, le premier ministre, comme la manifestation suprême de la démocratie. Pourtant, quand nous allons voter, nous votons pour des candidats à la fonction de député, donc de membre de la législature.

La décision de donner une chance à Mario Dumont de former un gouvernement se fonderait donc sur le respect de la volonté du peuple, exprimée dans le scrutin du 26 mars dernier. Quelle valeur les élections législatives auraient-elles donc, si l'on pouvait en déclencher tous les trois mois? L'opinion publique a-t-elle eu le temps de changer en profondeur en si peu de temps? (Dans certains cas extrêmes, j'imagine que c'est possible: guerre, corruption généralisée, etc. Ce n'est évidemment pas le cas ici.)

J'irai même plus loin encore. Si jamais Mario Dumont formait un gouvernement qui perdrait la confiance de l'Assemblée peu de temps après son accession au pouvoir, je crois que le lieutenant-gouverneur devrait demander au chef du troisième parti - qui compte tout de même un nombre respectable de députés - de former un gouvernement à son tour, plutôt que de déclencher des élections rapides.

Cela, Mario Dumont doit s'en douter. Permettons-nous - c'est dimanche! - un peu de politique-fiction. Le chef de l'ADQ voudrait peut-être tenter de gouverner avec le PQ aussi longtemps que possible, sachant que, même s'il voulait saborder son gouvernement dans l'espoir de remporter une majorité dans de nouvelles élections générales - un peu comme ce que Stephen Harper doit rêver de faire -, le lieutenant-gouverneur pourrait refuser de dissoudre l'Assemblée nationale et d'appeler les Québécois aux urnes.

(Incidemment, je salue ici la nomination de Pierre Duchesne au poste de lieutenant-gouverneur. Dans une situation de gouvernement minoritaire, ce poste est loin d'être uniquement décoratif. M. Duchesne est sans doute l'un des Québécois les plus versés dans le fonctionnement juridique et technique de notre appareil démocratique: si quelqu'un peut naviguer sans encombre entre les écueils de notre parlementarisme, c'est bien lui.)

Cela voudrait-il dire que Mario Dumont chercherait à inclure des députés du PQ dans son Conseil des ministres? La question n'est pas si folle: plusieurs membres du caucus péquiste ont l'expérience du gouvernement et donneraient de la stabilité et de la profondeur au gouvernement Dumont, qui en aurait cruellement besoin.

Accepteraient-ils? Là, c'est plus épineux. Il y a évidemment une grosse question de perception, d'abord à l'intérieur du PQ: la solidarité ministérielle aurait théoriquement préséance sur la ligne de parti, mais dans un parti à programme comme le PQ, on ne joue pas impunément avec ce qui est écrit dans le gros bottin... Question de perception du côté de l'opinion publique aussi: il devient pas mal plus compliqué d'offrir une autre option de gouvernement à la population quand tu fais toi-même partie du gouvernement que tu espères remplacer.

Il serait donc plus probable que le PQ décide de ne faire tomber le gouvernement Dumont qu'au moment qu'il jugerait opportun: à très court terme, s'il veut tenter de former le gouvernement sans aller en élections (mais alors, son sort serait entre les mains des deux autres partis, qui ne déferaient pas le gouvernement péquiste au meilleur moment pour ce dernier); ou alors à moyen terme, quand il se jugerait assez fort pour obtenir un mandat du peuple dans des élections générales.

C'est ce dernier scénario qui me semble le plus plausible. Si Pauline Marois devient bientôt chef du Parti québécois, elle devra d'abord se positionner aux yeux de la population comme une première ministre potentielle. Tout le monde reconnaît son immense compétence, mais il faut que les Québécois soient tellement habitués de la voir dans un poste de commande que la question «Le Québec est-il prêt pour une femme première ministre?» deviendra totalement caduque lors de la campagne électorale. Il lui faudra aussi asseoir son autorité sur le parti, comme elle a déjà commencé à le faire de belle façon, avant même que la course ne commence. Et il lui faudra bien évidemment renflouer la caisse du parti. Tout cela prendra du temps, et des élections anticipées n'aideraient pas sa cause.

Il se pourrait donc que le gouvernement non élu de Mario Dumont dure plus longtemps que le second gouvernement élu de Jean Charest... Bienvenue dans notre premier vrai gouvernement minoritaire!

(Et habituons-nous à cet état de fait: à moins que le PQ ne soit trop malade pour reprendre, même avec Pauline Marois, le chemin de la pertinence, et à moins que le PLQ ne se confine de lui-même à la marginalité - avec un statut de «Parti Égalité plus» -, l'équilibre actuel des trois principaux partis a des chances de durer. D'autant plus que l'expérience fédérale démontre que les Québécois ne détestent pas tenir leurs dirigeants sous haute surveillance dans un gouvernement minoritaire...)

14 mai 2007

Y croire, ou pas?

Dans son discours de lancement de campagne - si tant est qu'il y aura une campagne -, Pauline Marois a répondu aux questions que je soulevais dans mon dernier message: sur la nécessité de guérir la réferendite et la pédagogite qui affligent le PQ; sur la nécessité d'«ouvrir les fenêtres», comme le recommandait Joseph Facal dans son blogue; et sur la nécessité de réinventer la proposition social-démocratique du PQ, afin de retrouver le chemin de la pertinence.

Je la crois, bien sûr: je la connais depuis suffisamment longtemps pour savoir que ce qu'elle a dit hier, elle le pense vraiment et elle le souhaite vraiment.

La question, c'est plutôt de savoir si Pauline Marois, même avec toute sa compétence, même avec toute la meilleure volonté du monde, même avec toute sa détermination, pourra donner un nouveau souffle au PQ.

J'aime bien son attitude «qui m'aime me suive». Pour l'instant, beaucoup de péquistes - dont certains qui lui ont assené une brutale claque au visage en novembre 2005, ne l'oublions tout de même pas - semblent vouloir la suivre. Mais jusqu'où?

Son premier obstacle sera l'orthodoxie - qui confine chez certains à l'intégrisme - de certains militants péquistes. Malgré le message clair lancé par Pauline Marois, il serait étonnant que les orthodoxes rentrent simplement chez eux: leur maison, c'est le PQ, et on les imagine mal en mettre la clef sous le paillasson sans offrir la moindre résistance. Ils sont peu nombreux, mais leur détermination - que d'aucuns qualifieraient d'obstination, d'entêtement, d'attitude bornée, de death wish, enfin, bon, je m'arrête... - leur permet d'envisager une stratégie de blocage devant les efforts de Pauline Marois.

Elle devra affronter deux types d'orthodoxie: celle des indépendantistes pressés, et celle de l'aile gauche traditionaliste du PQ.

D'une part, les indépendantistes pressés ne se contenteront pas longtemps de parler de souveraineté - d'ailleurs, arriveraient-ils à renouveler leur argumentaire pour coller davantage aux préoccupations actuelles des Québécois? - et ils voudront qu'on leur donne la date du défilé de la coupe Stanley avant même de savoir s'ils se qualifient pour les séries éliminatoires. Accepteraient-ils que Pauline Marois fasse un jour front commun avec l'ADQ pour forcer le gouvernement libéral à négocier le rapatriement de pouvoirs vers le Québec ou à limiter au minimum le pouvoir fédéral de dépenser?

Et que diront les ténors du SPQ Libre quand Pauline Marois osera affirmer, avec raison, que la mission première de l'État québécois n'est pas d'engloutir des centaines de millions de dollars dans la sauvegarde temporaire d'emplois appelés à disparaître à moyen terme, sinon à court terme?

(Pour électoraliste qu'elle soit, cette façon de faire n'a pas empêché nombre de petites villes du Québec de mourir à petit feu. On aurait pu - dû? - prévoir le coup bien plus tôt et investir davantage dans l'avenir: la requalification immédiate des travailleurs dont l'emploi risquait d'être éliminé et l'aide à la création de PME bien ancrées dans ces collectivités. Ça n'aurait pas coûté plus cher, et ça aurait eu bien plus de chances de réussir...)

Voilà pourquoi je demeure inquiet - après tout, l'inquiétude est dans l'air du temps, non?

Cela dit, on peut être inquiet et ne pas perdre son optimisme...

Bonne chance, Pauline!

10 mai 2007

Et maintenant? Je dirais plutôt : «et alors?»

Le PQ se donnera un nouveau chef, et ce sera encore une fois le «Jour de la marmotte». Tôt ou tard, ce nouveau chef aura la folle idée de gouverner – question d’essayer d’améliorer le sort de ses concitoyens en attendant le Grand Soir -, les orthodoxes crieront au «johnsonisme», à l’«affirmationnisme» ou à une autre vilenie du genre, et ce sera le début de la fin pour ce chef flambant neuf.

On a largement fait état de l’une des maladies qui affligent le PQ depuis de longues années, la référendite. On a assez peu parlé de cette autre : la pédagogite.

La pédagogite, c’est cette maladie qui consiste à croire que si les gens ne votent pas pour nous, c’est parce qu’on ne leur a pas expliqué notre programme de la bonne façon. Pourtant, ce ne sont pas les experts en communication – ni d’ailleurs les pédagogues! – qui manquent dans ce parti. À la lumière des résultats du 26 mars, je crois qu’on doit tirer les conclusions qui s’imposent : la plateforme du PQ était claire et bien comprise, et les gens l’ont rejetée. C’est aussi simple que ça…

Pourquoi? Parce que, pour faire changement, le PQ a conçu son programme en vase clos et a trouvé des solutions formidables à des problèmes que les Québécois ne ressentent pas le besoin de régler de toute urgence.

Joli moyen de se tirer dans les deux pieds en même temps!

D’abord parce que nous nous entêtons ainsi à donner raison à ceux qui disent que le PQ a le don de «savoir ce qui est bon pour le monde mieux que le monde lui-même».

Mais surtout, parce que nous avons oublié de proposer des solutions différentes de celles de l’ADQ, qui a fini par gagner par défaut. (Quelqu’un ici pense-t-il vraiment que c’est le PLQ qui a remporté les élections du 26 mars?)

Bon nombre d’observateurs attribuent le succès électoral de l’ADQ à la colère et à ses rejetons : le ressentiment des Québécois hors-514 face aux accommodements déraisonnables et l’écoeurement face aux «vieux partis».

Il y a du vrai là-dedans, mais j’y vois surtout une étincelle. Le baril de poudre était ailleurs, je crois.

À vrai dire, je vois un grand thème ressortir pour expliquer le succès de l’ADQ : l’inquiétude.

L’inquiétude des jeunes familles de Blainville et de Charlesbourg quant à leur avenir et à celui de leurs enfants.

L’inquiétude de jeunes travailleurs non syndiqués dans le secteur des services et la fameuse «économie du savoir», bien formés mais mal payés, et dont l’emploi est facilement exportable.

L’inquiétude de jeunes issus de la classe moyenne qui se sentent glisser lentement vers le bas de l’échelle, même s’ils ont fait tout ce qu’il fallait pour réussir : respecter les règles, aller à l’école, etc.

Leur hypothèque les étouffe. Et quand on est obligé de s’exiler à 40 km de son lieu de travail pour trouver une maison abordable, une seconde voiture est-elle vraiment un luxe ou un caprice?

S’étonnera-t-on qu’ils embrassent des solutions conservatrices? S’étonnera-t-on qu’ils essaient tant bien que mal de conserver leurs modestes acquis?

S’étonnera-t-on de leur cynisme, quand on leur parle d’égalité des chances, alors que leur niveau de vie va baisser par rapport à la génération précédente?

Chose certaine, le PQ ne leur a pas parlé, ou du moins, pas dans un langage clair. On ne leur a pas montré qu’on écoutait ce qu’ils avaient à dire, qu’on essayait de comprendre ce qu’ils vivaient. On était bien trop pressés, en bons élèves brillants que nous sommes, de leur donner notre réponse. (La bonne, cela va de soi…)

Alors, quoi? Un nouveau chef peut-il remettre le PQ sur le chemin de la pertinence?

Un nouveau chef aura-t-il la liberté de ne pas adopter une stratégie référendaire suicidaire?

Un nouveau chef aura-t-il les coudées franches pour remettre aux Québécois les clefs de leur pays, en leur disant : «Nous sommes un parti souverainiste. Nous allons vous parler de notre option et nous allons vous dire pourquoi nous croyons qu’elle est meilleure que les autres. Mais c’est à vous de nous dire quand vous voudrez qu’on vous pose LA question. Notre engagement, c’est d’abord de vous la poser quand vous nous le demanderez. Et c’est aussi de faire en sorte que tout soit prêt quand vous vous direz OUI.»

Un nouveau chef pourra-t-il proposer aux Québécois une social-démocratie pour 2007, plutôt que celle de 1977? Des solutions résolument progressistes, mais dans lesquelles le secteur privé peut faire partie de la réponse, pas seulement du problème?

Sincèrement, j’en doute.

Les orthodoxes tiennent à amener ce parti au bout de la logique de son programme - et même au-delà? Très bien : qu’ils le gardent.

Les souverainistes pragmatiques de centre gauche auraient alors besoin d’une nouvelle maison politique. À nous d’en construire une, dans ce cas, avec un nouveau programme, une nouvelle façon de faire les choses… et un nouveau nom sur la porte.

Nous proposerions aux Québécois des solutions qui seraient sans doute souvent différentes de celles qu’avance l’ADQ. Mais au moins, nous répondrions aux mêmes questions. Celles qui préoccupent vraiment nos concitoyens.

Et maintenant?